Dans une ère où la nature reprend ses droits, dans une ère où l'humanité se divise en deux camps, où Luna fait partie des exclus des grandes cités, où elle doit batailler chaque jour pour sa survie et où la peur règne y compris au sein de ses propres rangs. Qu'elle parte à la recherche de vivres ou bien en quête d'un nouveau terrain de chasse, la vie est toujours rude sur cette terre, elle nous malmène, ici c'est tuer ou bien se faire tuer.

L'hésitation est un luxe que l'on ne peut se permettre.

Alors qu'elle arpente les ruines de ce que fut jadis un village accueillant, elle observe les parages, son regard se pose sur ce tricycle ravagé par la rouille au beau milieu de gravats, plus loin elle aperçoit un poupon au pied d'un escalier, elle décide de le grimper. Le parterre fleuri cache une ancienne route bitumée, la nature a pris son temps pour revenir mais maintenant elle s'épanouit si bien en ce lieu. Des lumières colorées la surprennent, ce vitrail est encore en bon état malgré les affres du temps, malgré les murs qui peinent à tenir debout. Des cartons sont entassés au sol devant cette rosace de verres colorés, elle se pose dessus pour respirer, elle scrute ce travail subjuguant, elle admire cette vue unique et d'autant plus précieuse.

« Des humains étaient-ils vraiment capables de produire une telle beauté ? »

Des bruits de pas la sortent alors de sa réflexion, son cœur palpitant, elle se lève silencieusement, se met dos au mur, elle est certaine qu'il n'y a qu'une seule personne. C'est probablement un soldat ! Elle entend le son de son armure frotter, sa démarche est prudente. C'est sûrement un éclaireur ! Elle observe à gauche, puis à droite, elle reste immobile. Alors que son rythme cardiaque s'accélère, que sa mâchoire se crispe, elle arme ses mains en remettant ses anneaux ornés de lames, et attend patiemment sa venue.

Ce sera lui ou elle !

Tête baissée, les poings serrés, elle se focalise sur la distance qui les sépare. Il n'est qu'à quelques mètres.Un pas, une pause, un bruit de pied écartant les gravats, une pause, des cliquetis...Elle le laisse entrer. Ce sera le dernier endroit qu'il verra. Des frissons parcourent son échine, son poil se dresse, silencieusement Luna se positionne dans le coin de la pièce, abaisse légèrement son centre de gravité, elle prend une dernière inspiration avant de bloquer son souffle. Elle aperçoit sa silhouette, elle ne s'était pas trompée, c'était bel et bien un ennemi. En une fraction de seconde, elle lui bondit dessus, rapidement et de toutes ses forces elle plante violemment ses griffes dans ses flancs, visant habilement les points faibles de sa combinaison, d'un côté puis de l'autre, de manière à ne lui laisser aucunes chances. Elle le renverse sur le tas de cartons, déterminée elle lui assène des coups de pieds dans l'abdomen, au plexus, tentant désespérément de le désarmer. Une rafale se fait entendre et érafle la joue de Luna. Elle n'en démord pas, elle ne lâche pas sa prise pour autant et frappe violemment du talon la tête de son ennemi, le sonnant. Elle en profite pour lui voler son fusil.

Son arme en main, au dessus de lui, elle lui ordonne de retirer son casque.

Elle fait de grands gestes car il ne semble pas comprendre ce qu'elle lui dit. Difficilement, il déconnecte son casque de son armure de l'ancien monde, un bruit de décompression résonne fort dans l’alcôve, il le tortille, le tire, pour finalement l'enlever. Sur le qui vive, elle le regarde faire. Malgré le temps, elle reste toujours surprise de trouver un humain grimé en machine ; il ressemblait trait pour trait à ses dits frères de sang et pourtant...Le visage crispé par la douleur, il la fixe d'un regard inquisiteur, il détaille chacun de ses traits comme si c'était la première fois qu'il rencontrait une femme.

Le soleil perce enfin à travers l'épaisse brume, même Éole se mêle de leur rencontre et soulève l'épaisse chevelure de la sauvageonne.

Les yeux écarquillés, les cheveux baignant dans la lumière, le vent les faisant s'envoler, ils sont tel un soleil autour de son visage quasi lunaire. Sa respiration saccadée, la douleur de ses chairs meurtries le tiraillant, aussi maladroitement que lentement il tend sa main vers elle. D'un geste tendre, il se laisse caresser par ses fils divins, glissant doucement ses doigts dans sa crinière. Il était fasciné tant par sa sauvagerie que par sa beauté. Voyant la main de cet inconnu s'approcher d'elle, elle l'enjambe, mais ce n'est pas avec cette arme dérobée qu'elle le menace, mais avec ses griffes, celles qu'elle a mis du temps à confectionner, celles qui sont devenues sa fierté. Le tranchant des lames ensanglantées s'imposant à la gorge de ce militaire, son index levé elle creuse un sillon rougeâtre sur sa joue.

Étonnement elle le laisse la toucher, son cœur plein d’agressivité et de hargne s'emplit d'une chose jusqu'alors inconnue.

L'esprit embrouillé, elle appuie d'autant plus ses lames sur son adversaire, et plus elle le menace, plus le sourire s'esquissant sur le visage de sa victime s’agrandit. Son regard plongeant dans le sien, elle réalise qu'elle a commis une grave erreur. Jamais elle n'aurait dû voir l'humain derrière, jamais elle n'aurait dû lui demander de retirer l'ultime rempart qui séparait leurs factions ennemies. Il la fixe, approchant son visage de ses mortelles griffes, toujours le sourire aux lèvres et dit d'une voix grave, digne d'une supplique :

« Si seulement tu pouvais me comprendre...Si seulement nous nous étions rencontrés autrement...Si seulement nous étions dans un autre monde...Si seulement... »

Ses traits déformés par la douleur, ses paroles presque inaudibles qu'elle ne comprenait pas, ne sachant pas trop pourquoi elle détend ses doigts. C'est alors qu'il se redresse brusquement, il empoigne fermement ses bras, et accentue la pression jusqu'à lui faire lâcher son arme au sol. Il aimerait faire ce qu'il désire d'elle. Malgré cela il la dévisage, ses griffes tantôt cognent contre sa combinaison, tantôt éraflent sa peau, alors qu'elle se débat farouchement. Il sourit d'autant plus qu'elle se comporte comme un animal sauvage. Subrepticement il approche son visage du sien, elle tente vainement de le mordre, et doucement il murmure à son oreille :

« Comme la vie peut être ironique, fallait-il vraiment que le jour le plus intéressant de ma vie soit aussi mon dernier ? »

Il se met alors à rire, il presse ses lèvres contre les siennes, et malgré la profonde morsure, son sourire ne s'estompe pas. Il sait que dès qu'il faiblira ce sera la fin. Exténué, il la relâche d'un coup, à toute vitesse elle bondit en arrière ; et comme une furie, dans un cri de rage, elle lui fonce dessus. Ses plaies béantes, coulant le long de son corps , sa tête en arrière, rassemblant ses dernières forces, il ouvre grand ses bras, lui offrant sa dernière étreinte. Il sent les lames pénétrer sa gorge et arracher ses chairs, les yeux larmoyants, il s'effondre au sol dans un grand fracas. Gisant sur la pierre, se noyant dans son propre sang, sa vision obscurcie par les larmes, il aperçoit la silhouette de cette femme farouche au dessus de lui, sa petite stature, sa crinière flamboyante sous ce soleil rasant, et surtout, ce visage qui lui avait fait battre son cœur pour la première fois.

 

 

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