Confinée

Comme beaucoup sur cette planète, je suis confinée. Pire que la censure, c'est l'auto-censure, et bien c'est pareil avec le confinement. Je m'auto-confine.

Qu'entends-je par là?

Alors que je ne peux bouger, pour mon cerveau c'est une toute autre histoire. Je lutte pour m'endormir, mais lui, ne veut rien entendre. Il turbine, vite, très vite, et ne cesse d'être actif. J'analyse, réanalyse, traite les informations, les trie, les répertorie, les catégorise, les range dans un bordel innommable et tire des conclusions.

Des milliers d'interrogations s'entassent au dépit de mon sommeil.

Je m'isole, je ne désire voir quiconque. Cela tombe bien, je suis confinée après tout. Les gens m'ennuient. Je dois faire preuve de sang froid, faire taire ma cervelle en ébullition, paraître normale, alors que je ne le suis pas. Porter un masque, c'est éreintant. Leur dire que je me porte comme un charme, l'est encore plus. Toutefois, si j'en venais à leur avouer la vérité, à leur montrer le monstre que je dissimule; seraient-ils toujours aussi avenants envers moi? Alors je feins!

Je vais bien, je vis sur une planète peuplée de bisounours, tous armés de bonnes intentions et arborant un sourire presque effrayant.

Il y a bien longtemps que je ne me berce plus d'illusions. J'ai passé l'âge de croire au Papa Noël. Je sais que l'humain est une créature simple et complexe à la fois, avec des instincts primitifs, des émotions. Même si je mets un temps fou à comprendre les miennes, je peux analyser avec une certaine pertinence les situations. Même si cela s'avère compliqué lorsque je suis impliquée. Oui, j'ai du mal à appréhender ou à gérer mes relations sociales.

Je ne serai pas si introvertie, si ce n'était pas le cas.

Après des heures de psychanalyse, de traitement d'informations, de dissection de mon moi intérieur, j'en arrive à la conclusion: Que ma boulimie affective, que mon côté chat, que le vide que j'ai toujours ressenti... toutes ces choses, ne pourront être balayé d'un revers de main. Que je ne pourrai jamais passer outre, les fuir, car cela fait partie de moi. Que le monstre avide de reconnaissance, d'amour, j'aurai eu beau croire l'enfermer à double tour, il a toujours été présent.

Que les situations anxiogènes font de lui le maître à bord de mon navire.

Si je retombe toujours dans mes travers c'est de sa faute, de mon aveuglement, de mon obstination, de ma propre faiblesse. Plus je le laisse faire, et plus je m'engouffre dans cette spirale infernale. Cette dictature émotionnelle qui fait que je me ferme au monde et refuse d'ouvrir la porte à qui que ce soit. Que je prends ce dont j'ai besoin sans donner en retour.

Mais finalement ce monstre d'égoïsme c'est moi.

Enfin pas tout à fait moi, mais plutôt, une partie de moi. Si je le fais taire, je sais qu'il rugira encore plus fort plus tard. Et avant qu'il ne se déchaîne, je serai quasiment atone, cherchant juste à me contenter d'éclats de rires à défaut de passions dévorantes. Ainsi je me plongerai à corps perdu dans des activités qui m'abrutiront la cervelle pour l'empêcher de me dévorer de l’intérieur.

Je ne peux le cacher indéfiniment, je ne peux le laisser gouverner, et encore moins me consumer.

Toutefois, je me dois de l'accepter, ce monstre né de mes frustrations, de mes peines, des mes traumas, j'en ai besoin. Il représente cette poupée cassée que j'étais, que je suis en quelques sortes encore. Lui et moi ne faisons qu'un. Après tout, il est là pour combler ce vide, il est là pour me garder saine d'esprit, il est là pour me protéger.

Malgré tout, sans lui, je resterai à jamais incomplète.

 

 

 

 

 

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