Heartbeat

Heartbeat

J'ai fait un rêve étrange.

J'étais petite fille et je voyageais dans le temps. Enfin, j'étais elle sans pour autant l'être. C'était moi enfant, mais j'étais aussi présente en tant qu'adulte. Nous pouvions toutes deux interagir, nous étions toutes deux étrangement connectées. Nous effectuions comme des bonds, et elle possédait mon corps à des moments bien précis. Je revoyais l'instant mais je n'avais pas les sentiments ressentis lors de l’événement en question, mais ceux de cette enfant possédant le corps, tout en gardant les miens. C'est assez compliqué à expliquer. Je ne pouvais rien changer, juste le revivre, juste être spectatrice et prisonnière de nos pensées.

Elle désirait comprendre comment j'avais évolué à travers le temps.

Parfois mes souvenirs me paraissent flous, et ce genre de rêve fait resurgir des émotions que j'avais refoulé avec le temps, des moments que j'avais occulté, des pensées que je croyais avoir éradiquées. J'en avais presque oublié la petite fille muette, cassée, qui pensait que vivre était synonyme de souffrance et préférait voir le monde à travers son cynisme, à travers un regard froid à en glacer le sang. Cette petite fille, seule face au monde, ne croyant pouvoir compter que sur elle-même avait un regard acéré.

Elle ne me comprenait pas !

Elle croyait que je faisais fausse route, que j'avais trop dévié de nos plans originels. Et à travers les moments tortueux, les plus tristes, elle ricanait, arguant que nos émotions nous avaient rendues faibles. Ces mots résonnent encore dans ma tête alors que j'écris et ils font encore mal. Tellement ils sont acides, tellement ils sont cinglants, tellement au fond de moi, je les trouve juste. Me voyant misérable, me voyant toucher le fond, elle se gaussait de plus belle.

Toutefois, après avoir visité toute cette noirceur, on a changé de registre.

Elle ne tenait plus le même discours alors que je dansais, alors que je berçais mon bébé tout contre moi, alors que j'enlaçais mes proches, alors qu'amoureuse j'embrassais mon cher et tendre. À ce moment précis, elle comprit quelque chose. Elle ne voulait plus partir, elle désirait rester lovée ainsi, devenir ce moi dans la chaleur et la sécurité d'une douce étreinte. Elle avait découvert un sentiment jamais éprouvé jusqu'alors. Ce bien-être, cette chaleur, jamais elle n'avait imaginé que cela pouvait exister.

À chaudes larmes, elle pleurait.

Mais il fallait s'en aller, d'autres bonds nous attendaient. Et plus on traversait le temps, plus elle devenait intangible. Plus les larmes ruisselaient sur son visage, plus je me sentais perdre pied dans ce torrent d'émotions. Sans m'en rendre compte, plus on avançait ensemble, plus nos êtres fusionnaient. Nous étions accompagnés dans ce voyage, une sorte d'esprit qui nous faisait voguer sur l'océan de mon passé, de son avenir.

Elle et moi étions toujours en désaccord.

Peu importe ce que je disais, elle me méprisait. J'incarnais notre déchéance. Jusqu'à un certain moment, où elle me regarda avec envie. Son corps devenu translucide, elle s'en allait, je la voyais sautiller, finalement apaisée. J'avais rencontré la poupée brisée, aigrie, qui avait abandonné tout espoir. Sa haine, son amertume, son pessimisme, toutes ces énergies négatives, peu à peu ont laissé place à des larmes, puis un sourire, et enfin, elle se mit de nouveau à rêver.

 

 

 

 

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