City Mood

City mood

Être citadine a toujours été naturel pour moi. J'aimais arpenter les rues de nuits, le plus souvent sans buts, rencontrer des connaissances, et finir par rentrer au lever du soleil. La vie en ville est ponctuée par des virées nocturnes, bordée d'imprévus, rythmée par le célèbre métro boulot dodo. Justement, cette rengaine nous enfonce encore plus dans la débauche, on recherche à expulser le trop plein de stress, on s'amuse, on fume, on boit, on perd nos repères.

Et finalement on finit par se perdre soi-même.

Même si durant des années, jamais je n'aurai imaginer vouloir quitter cet environnement qui m'allait parfaitement. En effet, j'aimais que trop bien faire la fête, j'adorais rentrer au petit jour après une nuit arrosée, après une nuit à suer mon stress, à en perdre la tête. Aujourd'hui, avec le temps, je ne tiens plus le même discours. Dans les tourments de ma vie nocturne, dans les volutes de fumée, dans la musique assourdissante, dans l'alcool qui finissait par ruisseler dans mes veines, dans les danses infernales interminables, en même temps que je m'amusais, je ne m'étais même pas rendu compte que je m'éloignais de plus en plus de ce que j'étais.

Mais en définitive, qui étais-je? M'étais-je ne serait-ce posé la question?

Je pense, je ressens, donc je suis. Cependant, lorsqu'on a l'esprit embrumé, prisonnier de nos routines, pensons-nous vraiment? Lorsqu'on a le cœur encore engourdi de la veille, ressentons-nous vraiment? Cette vie d'amusement perpétuel, cette vie guidée par les lumières de réverbères, cette vie faite pour nous défouler, n'est rien de plus qu'un voile que l'on dépose sur nos yeux. Une fuite certaine. Cette existence, n'était que le reflet de ma superficialité. Je n'existais qu'à travers l'apparence que je me donnais, qu'à travers le regard des autres.

Et quels regards?

Comment pouvaient-ils apprécier ce que j'étais alors qu'ils ne me connaissaient guère? Je ne vais pas les en blâmer, puisque j'étais assez mal placée pour ça. On demande souvent aux autres d'être plus tolérants avec soi que nous le sommes pour les autres. Il n'y a qu'à voir le nombre de collectifs identitaires que nous voyons défiler au quotidien. Exister à travers le prisme de certaines communautés, n'est-ce pas se fermer aux autres? À coup de guéguerres futiles dans les médias, sur les réseaux sociaux, tous retranchés dans leurs arguments toujours plus intolérants tout en prônant la tolérance; se déchirant les uns les autres, tout un chacun ne devenant plus que le vulgaire emblème de la discorde.

Est-ce cela la nouvelle compréhension?

Entraînés sur les flots de la folie, encerclés d'ennemis au sein même de notre propre parti, un vieil adage n'a jamais fait autant rage que ces derniers temps: "Diviser pour mieux régner." Alors même que nous ne faisons que rechercher l'acceptation au sein de notre société, y trouver notre place, alors que nous désirons du plus profond de notre être, être vus pour ce que nous sommes, être remarqué par notre singularité. Nous nous égarons et en perdons de vue notre identité.

Je vous laisse une petite fable à méditer:

 

Le soleil et le vent

 

Le soleil et le vent se prirent de querelle, chacun d’eux se prétendant le plus fort.

La discussion fut longue, car ni l’un ni l’autre ne voulut céder.

Ils virent un cavalier sur la route et décidèrent d’essayer, sur lui, leurs forces.

— Regarde, disait le vent, je n’ai qu’à me jeter sur lui, pour déchirer ses vêtements.

Et il commença à souffler de toutes ses forces.

Plus le vent faisait d’effort, plus le cavalier serrait son kaftan ; il grognait contre le vent ; mais il allait plus loin, toujours plus loin.

Le vent se fâcha, déchaîna sur le voyageur pluie et neige ; mais celui-ci s’entoura de sa ceinture et ne s’arrêta pas.

Le vent comprit qu' il n’arriverait pas à lui arracher son kaftan et le soleil sourit, se montra entre deux nuages, sécha et réchauffa la terre, et le pauvre cavalier, qui se réjouissait de cette douce chaleur, ôta son kaftan et le mit sous lui.

— Vois-tu, dit alors le soleil au vent malveillant, avec le bien on obtient plus qu’avec le mal.

 

Léon Tolstoï

 

 

 

 

 

 

 

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