Sensei

Mon professeur

Je suis sur le point de m'endormir, et dans les prémices de mon sommeil, j'entraperçois des flashs de mon passé. Je vois une vague salle de classe, en quelle année est-ce déjà ? Je me tourne et je vois mes anciens camarades chahuter. Ça y est ! Ça me revient. J'étais en terminale, petit à petit je sombre dans un sommeil plus profond, et je regarde en direction du tableau. C'est alors que je me souviens. Je me souviens de lui ! Ce professeur remplaçant, celui qui m'a fait baisser les yeux, celui fut l'objet de mes rêveries des mois durant.

Bizarrement, je me retrouve comme si j'avais encore seize ans, ressentant ma timidité resurgir à chaque fois qu'il se tourne, et que je me retrouve à faire comme si de rien n'était. Mes amis m'interpellent et on chahute ensemble, créant un petit bazar. Par habitude, j'étais plutôt dissipée en cours, je blaguais, je discutais, où je m'ennuyais cruellement, et dessinait durant toute l'heure. C'était le dernier cour de la journée, un long cour de surcroît. Pauvre professeur, commencer sa carrière ainsi, avec de tels abrutis à surveiller et à tenter d'éduquer. Mais quel plaisir ! Quel plaisir de le voir, de l'entendre élever le ton, taper sur la table, et arguant des arguments d'autorités.

En y repensant, peut-être aurai-je du me dissiper un peu plus durant ses longues leçons ?

Avec la chaleur printanière, l'odeur des feutres devient entêtante, embaumant toute la pièce, je le regarde se dandiner devant ce tableau, faisant des mouvements amples. De mes yeux je le détaille de la tête aux pieds, observant chacun de ses gestes, le brouhaha autour devenant un simple écho de sa voix. Chaque mot, chaque intonation, résonnent en moi, machinalement tout en le scrutant, mes doigts tapotent et caressent mes lèvres alors que je ne peux le quitter des yeux. Je suis comme obnubilée par les mouvements de ses lèvres au fur et à mesure de sa diatribe.

C'est alors que je reçois un coup sur la tête, me délivrant un instant de mon obsession. Je me lève brusquement et dans un accès de colère, me saisis de mon manuel, me retourne et commence à taper mon camarade avec. C'est alors que retentit en moi, cette voix autoritaire qui me rend toute chose, cette voix qui me stoppa net dans mon élan, je sens mon poignet gauche prisonnier d'une poigne qui ne m'est familière. Il me serre fort tout en criant sur nous. Malgré moi, un sourire en coin s'esquisse sur mon visage. J'arrache mon poignet violemment, fais volte-face et le défie du regard, usant l'once de violence qui grondait encore au fond de moi.

Je lui fais face, feignant l'arrogance, mon cœur palpitant, je sens ses pulsations jusque dans mes tempes, ma respiration encore pleine de fureur, je relève les yeux et le fixe du regard. Le sien, noir de colère, me dévisage, je me sens fondre sous son intensité. Je m'en mords la langue pour ne pas perdre la face, et ne décroche un mot. Son regard s'adoucit, je suis en apnée, il me tapote gentiment l'épaule du plat de sa main, puis je sens ses doigts se crisper sur mon chemisier. À ses mots, à sa posture, je me calme tout en conservant ma moue boudeuse, je resterai à la fin du cour.

Je m'assois, soulagée, ma respiration reprend difficilement, je prends un temps fou à me remettre, mon cœur n'étant pas entraîné à vouloir sortir ainsi de ma poitrine. Je pianote mon bureau d'écolière du bout des doigts, essayant tant bien que mal, d'évacuer tout ce stress, les images de mon altercation me hantant, je ressens encore l'excitation du moment. Lorsque je clos mes paupières, je le sens encore se cramponner à moi. La sonnerie retentit, j'entends mes camarades débarrasser leur pupitres dans un chahut sans nom, faisant presque plus de bruits que la cloche elle-même.

Je rassemble mes affaires et les fourre dans mon sac à dos, patiemment, j'attends que la salle désemplisse. Cela ne devrait durer, l'annonce du weekend s'étant fait retentir, les élèves surexcités, s'empressaient de s'agglutiner sur le pas de la porte. Je lève les yeux et je vois mon professeur assis sur le rebord du bureau, tout sourire, faisant des signes d'au-revoir et leur souhaitant de bien réviser. J'ignore si je dois m'enfuir à toutes jambes et esquiver les sermons, ou bien me laisser sermonner par sa suave voix, et le défier de nouveau, de m'enrager à juste titre devant l'injustice.

Si seulement, il avait pu être comme notre vieux professeur bègue, la question aurait été vite réglée !

Tant pis, je ne me défilerai pas, la tentation de l'entendre de nouveau, quitte à m'agacer, quitte à me rendre dingue, l'envie est trop grande. Je regarde les autres partir tout joyeux, je conserve mon air boudeur, j'appuie sur ma frustration au point qu'elle recouvre mon visage, alors qu’intérieurement bout mon sang, alors que je trépigne de curiosité, que je suis prête à l'affronter de nouveau. Je le dévisage de mes yeux noirs, mon visage rougis par la chaleur, j'attache mes cheveux, prends mon sac par une bretelle, me lève et me dirige d'un pas décidé vers le bureau.

Ma jupe voletant au gré de mes pas, je m'approche de lui, le haut de sa chemisette est défait, il me sourit, je ne saurai dire ce qu'il a en tête, c'est confus, je suis confuse. Je ne détourne pas le regard, soutenant le sien, je ne me laisserai pas faire, quitte à lui dérober son sourire charmeur des lèvres. Je le boude toujours, écoute son laïus sur la violence, ses mots me berçant, involontairement mes yeux roulent d'eux mêmes, je sens son agacement dans sa voix. La mienne porte haut, je me contrôle de moins en moins. De rage, mes yeux larmoient, ma voix commence à trembler, je l'esquive et tente de m'échapper dans son dos, me faufilant entre le bureau et le tableau.

Mon dieu !!! Le mouvement le plus pourri de l'histoire !

À ce moment, il me saisit le bras, me retenant de force. Abasourdie, je me débats, il me plaque contre le tableau, me maîtrisant. Que faire ? Je suis désemparée, désarmée … j'aime son parfum vert et boisé à la fois. Mon cœur vrombit, s'emballe, ma respiration se faisant plus rapide, les yeux écarquillés, la mâchoire serrée. Ma tête vient taper sur le tableau, je fixe le plafond, cherchant un repère, je m'en mords les lèvres. Quelle est cette douleur dans ma poitrine ? Aurai-je peur ? Ou serait-ce de l'excitation ? Je me perds, sans force, je laisse mon corps tomber contre le mur. Par pitié, que quelqu'un me guide ?

Il me parle. J'ignore pourquoi, mais aucuns de ses mots ne me parviennent, ils se noient dans le brouillard dont je suis entourée. C'est alors que je le sens se rapprocher, je détourne la tête mais ses lèvres se posent par surprise sur ma joue. À ce moment, je le foudroie du regard. Je vous attrape le visage et presse mes lèvres contre les vôtres. Elles sont si douces, je vous harponne de mes doigts et n'aspire plus qu'à me délecter de votre bouche. Des larmes perlent sur mes joues, je ne saurai dire pourquoi. Serait-ce parce que je réalise ce fantasme qui me hantait depuis tout ce temps ?

Votre odeur m'enivre, au point que j'en ai le tournis. Les yeux mi-clos, je rabaisse la tête, cachant mon visage tant que je le peux, cachant mes honteuses joues. Votre main se balade sur mon buste enfonçant vos doigts dans mes chairs, froissant le tissu de mon haut, vous vous jouez de moi. Vous enfouissez votre visage dans le creux de mon épaule, me caressant de votre souffle terriblement chaud, électrisant ma peau sur le passage de vos mains. Vous marquez une pause, agrippez mon chemisier et le soulevez brusquement emportant avec lui mon soutien-gorge.

Surprise, je pousse un cri.

Vous m'intimez de me taire me repoussant contre le mur. Je me tais. Malgré moi, ma tête bascule en arrière, me mordant la lèvre de plaisir. Vos mains se faisant insistantes, empoignant fermement ma poitrine, éraflant ma peau de vos ongles courts. Je me retiens de gémir crispant la mâchoire, me mordant, de peur d'être découverte ainsi. L'excitation me dévorant, je m'embrase sous votre poigne alors que je vous déboutonne la chemise. Vous me regardez, d'un regard toujours insondable, vous me fixez alors que vos doigts se glissent dans l’entrebâillement de ma jupe. Un sourire s'esquisse sur votre visage alors que mes râles se font toujours plus présents, de plus en plus incontrôlables.

Toujours appuyé contre le mur, mine de rien vos doigts écartent ma culotte détrempée, le souffle coupé, vous suppliant du regard de continuer. Je me perds dans vos yeux d'une froideur innommable, arborant un sourire satisfait. Peu m'importe si je deviens votre chose, je m'abandonne à vous, à votre toucher ferme qui me rend folle, folle de désir, à votre volonté. J'écarte mes cuisses, osant à peine vous toucher, mon corps frémit alors que vos doigts s'immiscent entre mes lèvres aussi impudiques qu'humides. Tous mes sens en alerte, je ne peux m'empêcher de gémir, je frissonne, je me sens défaillir, j'en veux plus. Mon corps animé d'un feu inextinguible, je réclame plus. Tout en moi vous désire, [Comme dans un rêve] je m'entends vous appeler.

Je vous scrute des yeux et je vois votre sourire s'intensifier sur votre visage, jusqu'à en devenir carnassier. Stupéfaite, mes joues s’empourprissent, vous retirez votre main. J'ignore ce qu'il se passe. Je regarde autour de nous, nous sommes seuls, je ne comprends pas. Vous vous relevez, vous vous reboutonnez. La gorge serrée, j'ai du mal à déglutir. Vous me tournez le dos, prenez votre besace, et dans un ricanement silencieux vous me faites signe de la main et quittez la salle.

 

 

[mc4wp_form id= »140″]